Lors de l’ascension du Mont Aiguille avec mes petites-filles cinq jours plut tôt, j’ai eu envie d’y retourner seul pour un bivouac sous les étoiles, avec coucher et lever du soleil. J’ai été totalement émerveillé par ces instants magiques.
Les bouquetins m’ont tenus compagnie.
En fin d’après-midi, 3 grimpeurs ont débouché sur le plateau pour passer également la nuit au sommet sous tente ! Nous avons tout de suite sympathisé. Le lendemain nous sommes descendus tous ensemble par le circuit de l’Arche.
Mon fils Clément et son ami Mathieu, tous deux guides de haute-montagne au Bureau des Guides des Écrins (dont Mathieu est le président) ont réalisé les 11 et 12 août l’interminable traversée Râteau/Meije/Pavé/Gaspard en une petite journée et demie. En voici le récit par Clément :
« Partis sur la traversée Râteau-Meije-Pavé-Gaspard, nous décidons le matin même d’une option bivouac, toujours agréable pour s’immerger dans une grande envolée alpine.
Départ à 15h de la benne des Ruillans, nous rejoignons rapidement le Râteau Ouest. De là nous suivons l’arête jusqu’au sommet Est, la suite est rapide sur le glacier et finalement la Brèche de la Meije. Nous poursuivons par l’arête Ouest de la Meije avec des passages magnifiques, profitant du soleil jusqu’au bivouac du Glacier Carré. Il est 20h30, nous avons mis 5h30.
Après une nuit bercée par un vent fort, nous nous remettons en route à 6h.
6h45 nous sommes au sommet de la Meije et retrouvons 2 alpinistes qui ont dormi au sommet.
7h15 nous sommes au sommet du Doigt de Dieu, la traversée aura été facilitée par la neige et une bonne trace sécurisante.
Il nous faudra 1h30 pour rejoindre la Meije Orientale, le rocher est pourri. Nous terminerons en mixte par le versant Nord.
8h45, nous descendons vers le Pavé, le passage est nettoyé et nous avançons rapidement de nouveau, c’est agréable.
Du sommet du Pavé au col de l’Ourson, la traversée est sauvage et l’ambiance superbe avec le Glacier de l’Homme en contrebas. Un ultime rappel de 40m plein gaz versant sud nous amène au col.
L’ascension du Pic Gaspard est très sauvage et le terrain délicat. Le dièdre du grand ressaut demande beaucoup de concentration et nous prenons notre temps pour ne pas faire d’erreur.
La suite est facile mais le terrain exige encore de la vigilance, il est 13h quand nous sommes au sommet du Pic Gaspard.
Heureux de contempler la distance parcourue, nous restons 30 minutes puis descendons les gradins rapidement. Un unique rappel de 25m nous dépose sur le glacier. Nous entamons une rapide descente en ramasse puis enlevons les crampons. Un dernier rappel de 20m en rive droite nous emmène sur des dalles moutonnées. Vigilance toujours de mise, nous retrouvons enfin un terrain abrupt en herbe. C’est le début des Pichettes. Nous suivons les kairns et un itinéraire improbable pour enfin arriver sur le sentier du Pavé. Nous savons que la course est gagnée !
Nous arriverons à 17h à la voiture garée au pied du Col.
Se retrouver avec Mathieu en haute montagne en pleine saison nous fait réaliser la chance de partager la montagne en amateur. Le rythme et notre vitesse d’évolution est grisante. La confiance et notre entente commune, en plus de notre amitié, aura rendu ce voyage incroyable, merci à Mathieu. »
C’est la 2ème fois que je parcours cette magnifique arête. La première c’était en 1978, je n’en ai gardé qu’un vague souvenir, la longue cheminée d’attaque ! Le temps a passé, mais le refuge lui n’a pas changé, son charme est resté intact. Si je n’ai aucun souvenir des gardiens de l’époque, les nouveaux nous ont réservé un accueil particulièrement chaleureux et leur table fut à la hauteur.
La traversée des Dents de Coste Counier (3025m) a été une course très parcourue à l’époque des pionniers. De nos jours sa fréquentation repart à la hausse. Comme l’a si bien dit le célèbre guide Gaston Rébuffat dans ses 100 plus belles courses et randonnées du Massif des Écrins, « L’arête de Coste Counier est un appel à l’escalade, rocher solide et beaux passages… » Il est vrai que c’est une course particulièrement esthétique, très aérienne et certains passage se font sur le « fil du rasoir ». L’environnement, malgré la relative proximité du refuge, est sauvage, on touche quelques hauts sommets des Écrins comme l’imposante face sud des Bans, mais aussi celles du Pic de Bonvoisin, du Jocelme, des Aupillous, les Pointes de la Pilatte et les Bœufs Rouges. Ce jour-là, nous étions deux cordées : Florent et Rani, Cécile et moi.
Difficulté globale AD, 4c maximum. Horaire de 4 à 6h selon que l’on évite ou pas le fil de l’arête dans certaines sections. Quelques rares pitons sont en place, une rencontre incongrue : deux plaquettes de 12 ! Évidement, on grimpe « en grosses ».
IMPORTANT : le retour au refuge peut être bien paumatoire pour éviter de nombreuses barres rocheuses. Aussi, il faut faire une longue traversée jusqu’à rejoindre la base de l’éperon rocheux caractéristique qui descend des Pointes de la Condamine. Ensuite « d’ré dans l’pentu » droit sur le refuge. J’ai ramené une trace GPS téléchargeable ci-dessous.
Traditionnellement nous faisons découvrir à nos petits-enfants la haute-montagne en allant au Col du Sélé. Après Élie, Marceau,Emma et Elsa en juillet 2016, c’est au tour de Malo et Joseph. Je leur laisse la parole.
« Nous sommes allés à Ailefroide pour une semaine, Malo (11 ans), Joseph (10 ans) et nos grands-parents Papé et Mamette. Vendredi 10 juillet nous sommes arrivés à Ailefroide et avons installé le camp. A cause de la météo, nous avons du partir dès le lendemain sans pouvoir nous acclimater. Il a fallu louer des chaussures d’alpinisme pour pouvoir mettre des crampons. Nous sommes partis l’après-midi après un bon casse-croute pour prendre des forces. La montée au refuge a été plutôt tranquille, mais un peu longue. Vers la fin de la montée au refuge du Sélé, il y a une barre rocheuse. Nous avons du mettre le casque pour la gravir sans encordement. Vers 17h, nous sommes arrivés à destination. Nous nous sommes installés, avons bu un coup avant le repas de 19h. Nous avons rencontré des gens sympathiques, Geneviève, Patrick et leurs enfants Annabel et Thomas qui ont fait la même course que nous le lendemain. Nous nous sommes couchés tardivement à 20h et nous avons fait la grasse matinée jusqu’à 3h45 Nous avons petit déjeuné à 4h et nous sommes partis à 4h45 de nuit avec nos frontales qui marchaient du tonnerre (bof !). Au début de la course, on marche dans de la caillasse pendant 45 minutes. Ensuite, on arrive sous le glacier au lever du soleil. On s’équipe, on met les crampons, le baudrier et on sort le piolet. Papé nous encorde et on commence la montée. Notre cordée : Papé, Malo au milieu et Jojo derrière. La montée est raide jusqu’à un plateau ultra crevassé que Papé n’a pas vu tout de suite. Quand il l’a vu, il a laissé 30m de corde entre lui et nous. Après encore 45 minutes de marche, nous arrivons au Col du Sélé (3300m) à 8h30 en gravissant la dernière pente rocheuse en mixte, avec nos crampons. Au col c’était beau ! Papé nous a montré la crevasse dans laquelle il était tombé, sous les Bans, en 1975, quand il avait encore des cheveux ! Ensuite nous descendons rapidement jusqu’à la pente raide où Joseph est repassé devant et a glissé ! Papé nous a retenus. A la fin du glacier, nous quittons nos crampons. Nous descendons sous le refuge. Papé doit remonter pour aller chercher la bouffe et payer Raoul (voir photo). Pendant ce temps, Jojo et Malo ont vu une marmotte obèse ! Pour la descente de la barre, nous avons remis nos baudriers pour fixer une longe et passer en sécurité. Malo a eu d’énormes ampoules qui le gênaient énormément. En plus, Mamette nous attendait. Jojo et Papé sont partis devant, tandis que Malo est descendu doucement avec Mamette. Un généreux alpiniste a prêté à Malo des baskets taille 42 qui l’ont sauvé de l’amputation. Papé est monté à leur rencontre à vélo pour aider Malo. Nous sommes arrivés en pleine forme, incapables de marcher plus loin. »
Les Aiguilles de Chamonix à l’égal du Mont-Blanc surplombent de manière spectaculaire la vallée éponyme et sont des stars mondialement connues comme l’Aiguille Verte et les Grandes Jorasses. Leur traversée est l’une des courses parmi les plus aériennes des Alpes Françaises. C’est un voyage de deux jours à cheval entre le versant Chamonix et le versant Mer de glace. L’alpinisme y est technique et varié. Le vécu et la rapidité priment. De plus le matériel de bivouac impose de grimper avec un sac lourd et encombrant. Le cheminement est complexe, grandiose, avec de nombreux rappels vertigineux comme ceux du Caïman. C’est une course peu parcourue, mais nous étions exceptionnellement deux cordées « franco-suisse » à profiter d’une courte fenêtre météo et ce fut une belle rencontre (nous n’avons pas eu de tirs au but destructeurs !).
Merci à Dimitri, Amédée et à mon guide de fils Clément pour tous ces bons moments partagés.
Samedi départ à 8h30 du téléphérique de l’Aiguille du Midi et arrivée au bivouac du Col du Fou à 18h. Soit un total de 9h30
Dimanche reprise de l’escalade à 6h30 pour une arrivée au téléphérique du Plan de l’Aiguille à 14h. Soit un total de 7h30
Après quelques libations bien méritées dans la vallée avec nos nouveaux amis, retour pour ma part à la maison de retraite de Valbonnais à 20h !
A noter que l’ascension de l’Aiguille du Fou est la plus difficile de la traversée et les chaussons d’escalade sont vivement conseillés. Seul Clément a privilégié le confort et la chaleur de ses grosses chaussures.
A part les rappels, si on les trouve, peu ou pas de pitons sont en place, essentiellement à l’Aiguille du Fou. On se protège avec des friends et des sangles.
Une fois engagé dans la traversée, la retraite est problématique.