Avec son impeccable knicker en velours côtelé Stefan fut ce jour là le grimpeur le plus élégant du Mont-Aiguille et quant au port du casque de traviole, c’était une ultime coquetterie !
Nous sommes partis très tôt du parking de Richardière pour terminer en début d’après-midi et ne pas avoir à subir la chaleur annoncée. À 7h nous étions à l’attaque de la voie normale et il y avait déjà, oh surprise, deux cordées devant nous !
Pas étonnant car avec le pont de l’Ascension et la météo favorable, il y avait beaucoup de monde un peu partout et cela s’est bien passé à la montée comme à la descente même si nous avons perdu un peu de temps, affluence oblige.
Pendant la montée nous avons sympathisé avec deux cordées encadrées par des guides. Certes, si nous étions partis un peu plus tôt, nous aurions été seuls mais nous n’aurions pas fait ces belles rencontres.
La voie Grépon Mer de Glace est considérée comme l’une des plus belles courses du Massif du Mont-Blanc. Elle se déroule dans une vaste paroi de 800m de granit presque parfait.
Il y a très peu d’équipement en place, quelques pitons essentiellement dans le haut de la paroi et de rares relais. Le cheminement n’est pas évident et nécessite un bon sens de l’itinéraire. La voie est donnée en 8/10 heures et la descente versant Plan de l’Aiguille en 4/5 heures.
Mercredi 31 juillet nous sommes montés au Refuge de l’Envers des Aiguilles l’après-midi en essuyant quelques bonnes averses !
Le lendemain nous quittons le refuge à 4h. A 5h nous franchissons la rimaye qui s’avère très délicate et qui sera le passage le plus difficile de la course ! Nous poursuivons par 800m d’escalade en alternant les sections d’assurage en mouvement et les sections en marquant les relais. Clément comme à son habitude n’a pas lambiné et quant à moi, j’ai tenté de grimper au mieux avec mes limites de septuagénaire bien marquées !
A 10h15, nous arrivons à la Brèche Balfour au pied de l’ultime longueur, la fameuse Fissure Knubel. Et là sans prévenir il s’est mis à grêler, nous sommes passé du jour à l’obscurité. Tout est devenu glissant, la foudre est tombée sur Les Drus. Plus question de faire la traditionnelle photo du sommet avec la Vierge. Durant toute la montée Clément me disait : “Papa il faut qu’on avance, il faut qu’on avance » car nous redoutions malgré tout l’arrivée du mauvais temps. La descente jusqu’au Glacier des Nantillons a été humide sous un fort vent de nord-ouest. Nous étions frigorifiés. De plus avant le passage à califourchon du « bloc coincé », nous avons eu du mal à rappeler la corde ! L’arrivée au Col des Nantillons, puis au glacier a été un vrai bonheur. La longue descente du Glacier des Nantillons et du Rognon s’est déroulée sans histoire et nous avons pris le temps de faire enfin une grosse pause casse-croute !
A 16h nous arrivons enfin à la gare du téléphérique du Plan de l’Aiguille.
Au final ce fut une belle journée pleine d’émotions malgré une météo capricieuse. Merci à mon guide, mon fils Clément !
Note technique de l’ENSA (École Nationale de Ski et d’Alpinisme) :
« Cette longue ascension rocheuse se déroule sur un granit parfait et dans un environnement grandiose… C’est un peu le « Divine Providence » du début du XXe siècle !Globalement, les difficultés techniques ne sont pas très élevées mais la fissure Knubel (le premier V+ du massif du Mont-Blanc) laisse, à tous les alpinistes qui l’ont gravie en tête, un souvenir impérissable !La principale difficulté réside en grande partie dans la complexité à trouver le bon itinéraire.
De nuit, le passage de la rimaye est déjà une première étape à ne pas négliger… tout comme les dalles fissurées qui la suivent ! À la lueur de la frontale, ces lieux ne sont pas toujours accueillants et une erreur d’itinéraire est toujours possible.Un peu plus haut, le rappel « caché » qui permet d’accéder aux longueurs supérieures est lui aussi difficile à localier au milieu de cet océan de granit.
Malgré la popularité de la course, l’équipement en place est quasiment inexistant.Il faudra étudier le topo avec rigueur et bien observer la montagne afin de ne pas faire des erreurs qui pourraient ralentir la cordée.
Une fois au sommet, une autre course commence !Redescendre du Grépon est presque aussi complexe que d’y monter ! La descente de l’arête ouest jusqu’au glacier est technique tandis que le passage sous les séracs des Nantillons est loin d’être anodin. »
Le sommet ouest du Râteau (3769m) et son arête ouest sur la gauche
Pour cette édition transgénérationnelle 2024, je laisse mon fils Matthieu vous raconter le déroulement.
« Là dernière aventure alpine de Jojo date de 2021. C’était une longue bavante au Pic Coolidge avec 2500 mètres de pierriers remontés dans une fin d’été caniculaire.
Jojo a depuis pris 40 cm et son goût de l’effort s’est sacrément modéré… Pour la reprise, on a choisi un objectif « plaisir » : départ à 3200m après montée en télécabine, petite balade glaciaire, arête aérienne sur du rocher solide. Les initiés auront reconnu le Râteau et son ArêteOuest, superbe petite course avec ses 500 mètres de dénivelé en ambiance haute montagne.
Pour encadrer le « petit », on a conservé la dream team familiale : son papa (N+1), son papé (N+2). Trois générations d’une lignée d’alpinistes !
Pour le récit de la course, on fera court car tout s’est très bien passé : remontée du glacier sans encombres même pour la rimaye bien ouverte, dépose des crampons avant l’arête, remontée de celle-ci sur le fil et piquenique au sommet. Redescente itou. Fou rire quand Jojo a mis ses crampons à l’envers (pointes vers le haut). Final en beauté au restaurant d’altitude vers 14H.
On était même à temps pour voir la fin du tour de France ! »
La galerie photos de nos aventures alpinistiques !
Et quelques photos des années 1979 et 1986.
J’espère que certains se reconnaitrons, n’est-ce pas Bertrand ?
2024 année Olympique, c’est pourquoi une visite au Chourum Olympique s’impose à nouveau ! C’est l’une des courses en ski-raquette-alpinisme parmi les plus spectaculaires des Alpes. Dans son livre « Vertiges d’en haut » Pascal Sambardier dit, je le cite : « Il n’est pas courant de gagner ainsi le sommet d’une montagne en traversant ses entrailles… »
Pour cette 5ème visite je ne suis pas seul, j’entraîne dans l’aventure trois amis du CAF de la Mure : Pierre-Henri, Alexis et Jean-Paul pour leur première incursion dans ce coin du Dévoluy.. Nous sommes trois skieurs et un en raquettes.
En fait il y a deux cavités (appelées chourums dans le Dévoluy) entrecoupées par une large vire, la « Vire Olympique » !
Après avoir remonté le vallon du Grand Villard on arrive tout naturellement à l’entrée du premier chourum, appelé Chourum Olympique, par une large pente raide. C’est une vaste grotte dont on s’extirpe par un gigantesque entonnoir.
On remonte ensuite la Vire Olympique à l’aplomb du deuxième chourum et de ses incroyables Arches entrelacées que Pascal Sambardier a renommées « Arches Interferrantes ».
Pour arriver enfin au sommet du Grand Ferrand, il faut franchir un ultime passage technique : passer par un trou de souris (n’est-ce pas Jean-Paul) et remonter un boyau mal commode surtout avec les skis !
Orientée plein est, cette course nécessite de partir très tôt pour bénéficier des meilleures conditions possibles, tant à la montée qu’à la descente par la voie normale en face sud qu’il ne faut pas sous-estimer. Grace au dérèglement climatique, la descente par le haut du vallon Girier a été à la hauteur de nos espérances, pourrie à souhait !
C’est avec bonheur que nous avons retrouvé la voiture près de la Cabane du Pra de l’Aup(Chourum Camarguier) où nous avons pique-niqué dans l’herbe.
Une journée qui restera dans nos mémoires !
Y retournerais-je encore une fois ? l’avenir nous le dira.
Jules et ses cousins Joseph et Malo en juillet 2020 face à notre objectif
En 1986 j’ai emmené mon fils aîné, Matthieu, dans La traversée de la Meije. Il avait 10 ans.
En 1994 j’ai emmené à son tour mon deuxième fils, Clément. Il avait 13 ans.
Plus tard, Clément est devenu guide de haute-montagne et lui aussi a eu envie d’emmener son fils Jules.
Aujourd’hui Jules a 13 ans. Soixante ans et un jour d’écart nous séparent et je vais les accompagner dans cette chevauchée d’arête exceptionnelle, l’une parmi les plus belles traversées d’arêtes des Alpes.
Maintenant je donne la parole à Jules :
Mardi 7 août, nous avons pris le Téléphérique de la Grave jusqu’à la gare intermédiaire. C’est là que commence l’approche pour rejoindre la Brèche de la Meije (3357m) par l’itinéraire des Enfetchores. À 15h nous sommes arrivés au Refuge du Promontoire (3092m) après avoir franchi la Brèche de la Meije. Nous avons retrouvé des copains guides de Papa. Nous avons passé de bons moment à discuter et à boire des bières (sauf moi) jusqu’au copieux repas qui nous a été servi par la gardienne. Le soir elle a donné la météo du lendemain : beau temps , mais du vent prévu pour l’après-midi.
Mercredi 8 août, lever à 4h30 puis après le petit-déjeuner nous nous sommes encordés dans le refuge et départ à la frontale à 5h15. L’escalade commence directement depuis la terrasse ! Les passages se sont succédé sans problème jusqu’au Glacier Carré où nous avons mis les crampons. Mais à partir de la Brèche du Glacier Carré un vent violent de nord-ouest nous a surpris et il ne nous a plus jamais quittés ! Malgré le froid et les rafales nous avons progressé régulièrement jusqu’au sommet du Grand Pic de la Meije (3983m) où l’émotion nous a saisis ! Après 3 rappels vertigineux pour descendre du Grand Pic nous avons traversé la Brèche Zsigmondy très effilée, moi debout et Papé à califourchon, puis nous avons remis les crampons pour remonter le couloir tout en glace, aidés par un câble jusqu’à l’arête que nous avons suivie par des montées et descentes jusqu’au Doigt de Dieu. Après une dernière désescalade et 2 rappels, nous avons remis pour la troisième fois les crampons et nous avons franchi la rimaye pour prendre pied sur le glacier. Une demi-heure plus tard nous étions au Refuge de l’Aigle (3450m). Nous avons fait une grosse pause bière/coca/jus de pomme/omelette délicieuse. Nous avons quitté le refuge à 15h (à regret pour Papé qui aurait bien aimé passer la nuit pour reposer ses genoux!). Très très longue descente de1800m de dénivelé et …. les genoux de Papé finalement ont tenu le choc, ouf !
Ce qui m’a impressionné c’est le vide tout le long de l’arête, surtout entre la dernière dent et le Doigt de Dieu qui penche au dessus du Vallon des Étançons ! . Et puis aussi, que mon tonton Matthieu ait pu faire la Meije à 10 ans !